Quand on est bloqué sur un projet, on en prend acte, on le met de coté, et on s'en trouve un autre. Ensuite, selon les circonstances et avec le temps donc on peut revenir sur ses projets orphelins. On peut alors rechercher dans une direction rajeunie.  Il faut toujours remonter à la source, simplifier, élager. Faire difficile ce n'est pas compliqué, il suffit de rajouter couche sur couche. Evidement au final on se retrouve avec un monstre ingérable et on le refile à autrui ni vu ni connu. C'est donc faire simple qui est difficile. Avec des moyens minimalistes, il faut compenser par l'intellect. Avoir un esprit bien formé est un excellent investissement. Cela permet d'imaginer, de trier, de sélectionner, d'envisager et laisse au final une chance de trouver ce  que l'on cherchait au départ et donc de réaliser ses projets. Sans doute pas dans un ordre précis, mais est-ce important ?

cornichons


Pour avoir une maquette de la structure résistante idéale base de la stucture BeckerBoat® et essayer de la généraliser pour voir ce que cela donne, j'ai commencé par réunir quelques cotons tiges avec de la cire. D'abord trois bâtonnets formant un triangle équilatéral, puis en rajoutant trois bâtonnets une structure triédrique formée de six bâtonnets, la plus rigide possible.

triédre isocèle

En poursuivant, j'ai pensé arriver à généraliser la chose, et tant que l'on manipule des objets réels, on ne commet pas d'erreurs intellectuelles et selon le résultat obtenu on peut broder et trouver de nouvelles voies à explorer. C'est le lien entre théorie et pratique qui est alors mis en jeu.


J'ai ensuite rajouté des bâtonnets les uns derrière les autres pour obtenir une maquette de taille suffisante. Je pensais obtenir un maillage de l'espace le plus simple et le plus résistant possible, ma connexion ADSL étant en rade, et ayant vu dans le numéro de Science et vie une reprise de mon concept de gelé en parlant de l'espace que j'avais initié sur le forum de physique.fr, donner un minimum de consistance à cette matière occupait mon esprit battant la campagne.

L'objet initial est parfait. Six cotons tiges, quatre points de rencontre.

Si on veut faire une pyramide carrée, il faut quatre éléments pour faire la base, et quatre autres pour aller au sommet, donc huit cotons tiges et cinq points de rencontre. Le trièdre est la structure géométrique la plus simple possible pour définir un volume, plus simple on ne peut pas. On ne peut donc que bâtir à partir de lui. La complexité étant un simple accroissement de la simplicité, et il est toujours plus facile de construire une usine à gaz que de faire simple et élégant.

C'est d'ailleurs le critère essentiel de BeckerBoat® trois coques pour glisser sur l'eau, pas de quille, pas de mat, la structure triédrique est modifiée pour s'adapter au port de la voile, elle est inclinée de 45 degré au lieu de 60 pour la surface supportant la voile, la cabine étant suspendue près du centre de gravité de l'ensemble. C'est donc une adaptation conceptuelle en fonction de ce que l'on sait de la navigation à voile. Seul le financement n'est pas un concept mais une dure réalité.

J'ai donc essayé de poursuive selon le même modèle ce genre de construction. Le coton tige est bon marché, et je dispose de quelques vieilles bougies dans le fond d'un tiroir qui ne servent à rien. Mais arrivé à un moment de la construction, je n'ai pu relier le dernier bâtonnet. Trop court le bâtonnet...

Il subsistait un hiatus, une faille que je ne pouvais pas combler.

faille

Bien mis en lumière, un espace d'un tiers de coton tige entre deux points de ma structure bricolée. Trop court pour un batonnet complet, trop important pour arriver à le masquer. Un gros point de détail qui pose problème...

J'ai d'abord pensé qu'ayant additionné de petites erreurs successives lors du montage, c'était la qualité de mon travail qui était en cause. J'ai donc repris la même construction en me servant de mon iMac G5. Avec SketchUp, et quelques minutes de plus, je retrouvais les bons réflexes et arrivais après quelques approximations vite rattrapées au même résultat obtenu avec mes cotons tiges. Comment interprêter la chose ?

pliage

Pourtant j'avais pensé qu'en additionnant petit à petit la même structure de base, j'aurais pu obtenir un remplissage complet. Tant de simplicité n'aboutissait pas. Il existait une faille irréductible entre l'espace et la construction de la représentation de l'espace, à l'aide de la brique la plus simple, la plus élégante et la plus évidente. Un blanc, un entre deux apparaissait, fatal et définitif. Il s'agissait donc de lui trouver sens, et de le faire rentrer dans une représentation du monde physique tel que l'on puisse y raccrocher ce que l'on sait de lui, tous les résultats expérimentaux trouvés jusqu'à ce jour, pour obtenir une nouvelle grille de lecture qui soit facilement compréhensible. Quelques nuits blanches plus tard, dans un effort de synthèse, j'ai remplis une longue page blanche.