Se représenter tel que nous sommes dans le cadre qui est le notre permet de disposer de la carte pour tracer notre route dans notre vie. Le cadre est complémentaire du regard que l'on porte sur soi. Les deux sont indispensables. Ne pas disposer de l'un ou de l'autre nous conduit à errer. Savoir qui on est, ce que l'on veut, nous demande de définir le terrain sur lequel nous évoluons. Nous sommes dans l'Univers, et le connaître, en avoir une représentation, fixe des repères à notre esprit vagabond. Une représentation en remplace une autre, elle doit correspondre à deux critères pour y parvenir, être fidèle et plus économe. La vérité est insaisissable par essence, mais par accumulation du vrai on s'en rapproche de plus en plus, tel la ligne d'horizon face à notre regard. Cette démarche éthique conduit au bien-être.



Une petite expérience qui ne mange pas de pain, à partir d'une barquette de viande venant d'un supermarché. On place une première masse qui déforme localement le film tendu. Ensuite on place la bille d'acier à une distance suffisante pour que les deux systèmes mis en place n'inter-agissent pas. La distance est trop grande pour vaincre les forces de frottement, et la déformation du film ne s'étend pas très loin, une cuvette se forme sous l'écrou qui ne bouge pas et la bille. De la pointe d'un couteau, on avance délicatement la bille, millimètre par millimètre. Quand les deux cuvettes de déformation inter-agissent l'une avec l'autre, la bille se déplace avec un mouvement accéléré. Ce n'est évidement qu'une illustration du fonctionnement de la gravité. Pour aller plus loin, il faut modéliser l'ensemble et passer à un modèle mathématique de la structure gélifiée. Chaque point reliant les tubes gelifère peut être décrit par une matrice comportant douze entrées donnant la tension s'exerçant sur une des douze directions partant de ce point vers les autres points formant sommet d'un tétraèdre. On peut commencer par un petit ensemble de points, et au fur et à mesure de la puissance de calcul informatique disponible agrandir la taille du modèle. Quand au steak, je tiens à préciser qu'il était très tendre et goûteux. La viande est excellente au Luxembourg. ;-)



Les lois de la physique doivent être les mêmes à chaque endroit de l'univers, puisque ce n'est que de là que l'on peut les extraire. Il suffit ensuite de les adapter selon les circonstances qu'implique le repère où on les exerce.

Un repère en soi n'existe pas, il doit lui même être défini par rapport à un cadre, et le seul cadre que l'on connaisse est l'Univers. Pour poser deux référentiels et leur équivalence suppose à priori d'avoir démontré leur identité absolue. Le concept de clone partiel est un non-sens. Rien n'indique que seuls un certain nombre de critères à prendre sont à prendre en compte. Partir d'une supposée équivalence de deux référentiels pour déterminer la valeur du cadre qui les abrite est une erreur logique, car si d'autres paramètres sont cachés ou inconnus, ils ne peuvent pas tout simplement être pris en compte, et le modèle du cadre ne peut pas alors les inclure, mais induit alors une faille dans la prétention à les considérer comme équivalents.

Du sommet de la montagne, on voit toutes les vallées. D'une vallée au pied de la montagne, on voit le sommet, mais pas le paysage situé derrière la montagne que cette dernière nous masque. On ne peut donc rien déduire d'absolu à partir d'une vision limitée sur la globalité.

La démarche scientifique qui consiste à assembler les pièces d'un puzzle, ne peut pas déterminer la vision réelle dégagée de l'ensemble du puzzle tant que celui-ci n'est pas complet. Et s'il l'était, le domaine scientifique serait clos, ce qui n'est pas le cas. Si le support mathématique permet de manipuler des abstractions que le cerveau humain n'arrive pas à échanger sous forme d'équivalences et permet de conserver leurs traces dans le temps et de suivre pas à pas l'utilisation qui en est faite, du simple fait que l'on n'agit que sur un formalisme sans pouvoir être certain de la pertinence de l'équivalence de leur existence dans le monde réel, fait que l'on peut très bien manipuler des objets purement virtuels, et croire en toute bonne foi arrivé au résultat final que celui-ci trouve son équivalent dans le monde réel. Additionner des pommes et des poires ne donne que des fruits, une perte d'information s'est produite à notre insu. Mettre en tas 50 pommes et cinquante poires, mélanger le tas et le séparer en deux n'a qu'une certaine probabilité de faire deux tas identiques. Encore s'agissant d'objets réels facilement saisissables, il est facile de détecter les biais possibles. En jonglant avec les concepts de lumière, de temps, de gravité dont on ignore l'essence intime, on ne peut donc pas déterminer la légitimité des divers traitements mathématiques qu'on leur fait subir. On obtient un résultat, bien sûr, on peut monter la bonne expérience qui va bien sûr confirmer l'aspect superficiel obtenu, ou du moins monter une expérience qui laisse cette possibité, mais sans prouver l'unicité de cette dernière, ce qui supposerait une relation bi-univoque absolue avec ce que l'on peut dire de l'objet manipulé et de son modèle abstrait mathématique le représentant.

La représentation réelle peut-être multiple, le buste de Voltaire et en se rapprochant deux femmes côte à côte sur la toile. Dans un monde réel, la première hypothèse disparaît quand le temps intervient, faisant bouger les personnages et dissipant le buste. Le tableau en figeant la scène nous donne alors à voir plus que ce que le réalisme donnait à voir.

La stylisation mathématique agit de même, une fois posée et écrite, le temps sur la démonstration se fige. On retombe alors dans la problématique de la carte et du territoire, et ce dernier est toujours plus riche que le modèle qui est sensé le représenter.


CORRESPONDANCES

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles:
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le muse, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens. 

Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal, 1857